Faillites bancaires, des milliards de dollars envolés, une croissance mondiale
en berne, des gouvernements impuissants. Le capitalisme financier est en crise.
Nicolas Sarkozy a expliqué cette semaine que c'était "la fin d'un monde" sans
esquisser des pistes de sortie de crise. Les médias alignent en boucle les
chiffres de la crise, les chutes des valeurs boursières, les pertes colossales
de certaines banques, sans nécessairement expliquer réellement ce qui est en
train de se passer en des termes simples. Mais quelles sont les causes de la
crise financière mondiale ?
Mode d'emploi simplifié de la crise financière mondiale en 6 étapes.
Etape 1 : La crise financière part des Etats-Unis en août 2007
La crise débute à l'été 2007 à cause des "subprimes", des prêts hypothécaires
consentis à la classe moyenne américaine. En temps normal, un particulier qui
souhaite acquérir un appartement peut emprunter en fonction de son salaire et de
sa capacité à rembourser. Inconvénient du système : l'emprunt est proportionnel
au salaire. Si vous ne gagnez pas beaucoup, vous ne pouvez pas emprunter
beaucoup, donc vous ne pouvez pas acheter.
Les Américains ont donc créé des subprimes : vous empruntez ce que vous voulez
(même si le salaire n'est pas très élevé) mais c'est la maison qui est en
garantie. En clair, si vous ne pouvez pas rembourser, la banque récupère la
maison et la vend. Mais quand les prix de l'immobilier baissent, les banques
paniquent ! Cas de figure classique : un emprunteur ne rembourse plus, la banque
décide donc de vendre sa maison et de tout récupérer. Mais comme les prix de
l'immobilier ont baissé, la banque perd de l'argent sur la vente. C'est la crise
des subprimes : certaines banques qui avaient eu trop recours à ce type de prêt
se sont retrouvés dans une situation financière critique. Et plus de 2 millions
de personnes se retrouvent ruinées aux Etats-Unis, faute de pouvoir rembourser
les emprunts.
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Etape 2 : Toutes les banques sont touchées à cause de la titrisation
Pour tenter de limiter les risques de ces crédits d'un nouveau genre, les
banquiers ont eu recours à la titrisation. Ils ont transformé ces emprunts en
titre sur les marchés boursiers. Concrètement, si un particulier emprunte 1000
euros, il doit en rembourser 1200 euros à la banque avec les intérêts. Pour
gagner plus rapidement de l'argent, les banques ont émis des titres de dette,
c'est-à-dire un papier donnant droit à ces 1200 euros. Ces titres de dette se
sont échangés sur les places boursières.
Quel est l'intérêt pour les acheteurs de ces titres ? Si l'acquéreur achète son
titre à 1100 euros, il sait qu'il a la garantie de recevoir 1200 euros. Or, à
partir du moment où celui qui doit rembourser l'emprunt pour l'achat de sa
maison ne peut plus payer, le titre n'a plus aucune valeur. Ce sont ces montages
financiers complexes qui expliquent la chute de la bourse car toutes les banques
étrangères, notamment européennes, se sont aperçues qu'elles possédaient des
titres de subprime qui ne valaient plus rien. Tout le monde en avait mais
personne ne savait vraiment combien.
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Etape 3 : Les banques se méfient et ne se prêtent plus d'argent
Dans un premier temps, les banques étrangères se sont voulues rassurantes. En
France, le directeur de la BNP a d'abord affirmé que la banque n'avait pas
procédé à des placements risqués de ce type. Mais quelques jours plus tard,
après analyse, la BNP réalise qu'elle possède des subprimes. Le jeudi 9 Août
2007, la BNP décide de geler la cotation de 3 fonds d'investissement. La panique
gagne alors les marchés car plus personne ne se sent à l'abri. A partir de là,
les banques vont se méfier les unes des autres et ne plus vouloir se prêter de
l'argent entre elles. Cette crise de confiance des marchés interbancaires va
entraîner la faillite de certaines banques, malgré l'injection de milliards de
dollars de la réserve fédérale américaine. Vous n’avez rien compris ? Passez à
l’étape suivante.
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Etape 4 : Faute de liquidités, certaines banques sont asphyxiées dès 2007
Pour comprendre comment les banques ont fait faillite dès 2007, il faut
expliquer comment fonctionne le système bancaire. Quand vous empruntez 100 000
euros à la Société Générale, celle-ci augmente la masse monétaire de 100 000
euros. Elle crée donc 100 000 euros. Mais pour éviter que la machine à billet ne
s'emballe (créer de la monnaie sans contrôle), la Société Générale doit déposer
une partie de la somme créée sur un compte de la Banque Centrale Européenne.
C'est ce qu'on appelle les "réserves obligatoires". Si le taux de réserves
obligatoires est de 1%, la société Générale doit donc déposer sur le compte de
la Banque Centrale Européenne 1 000 euros. Ce système là permet à la banque
centrale européenne de contrôler la création de monnaie.
Souvent les banques n'ont pas les liquidités nécessaires pour accorder des
crédits (le flux entre l'argent déposé par des épargnants et l'argent prêté aux
autres n'est jamais équilibré à l'instant T). Elles empruntent donc de l'argent
à une autre banque pour pouvoir verser la "réserve obligatoire" à la BCE afin de
pouvoir accorder le crédit au client. C'est une pratique courante : les banques
se soutiennent et se prêtent de l'argent entre elles. Mais quand il y a une
crise de confiance, c'est tout le système qui s'enraye. Pour éviter un
effondrement général et des faillites en cascade, la banque centrale "injecte"
des milliards, c'est-à-dire qu'elle permet aux banques de récupérer des
liquidités à très faible coût.
Malgré cela, certaines banques se sont retrouvées asphyxiées très rapidement :
elles ont perdu des sommes colossales avec les subprimes, et elles n'ont pas
réussi à poursuivre leur activité de crédit car les autres banques, méfiantes,
ont refusé de leur prêter des liquidités pour faire face. De nombreuses banques
se sont donc retrouvées dans des situations difficiles : en Grande Bretagne, la
Northern Rock a dû être nationalisée, sous peine de disparaître.
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Etape 5 : La panique gagne les marchés financiers en 2008
La plupart des économistes pensaient que le gros de la crise était passé début
2008. Une fois que la crise des subprimes est bien identifiée, que les banques
ont revendu ces titres à risques, la crise financière était sur le point de se
terminer après un dernier soubresaut fin 2007. Mais la crise est repartie de
plus belle en février 2008 quand les banques ont arrêté leurs comptes annuels.
Les pertes se sont avérées plus importantes que prévu : entre la chute de
l'immobilier, la crise des subprimes, les soubresauts de la bourse qui ont fait
chuter les cours, les pertes d'actifs se sont montées à plusieurs dizaines de
milliards de dollars pour certaines banques. C'est le cas de Citibank, qui était
la première banque mondiale jusqu'à cette crise.
Dès lors, la crise financière qui était d'abord une crise bancaire va se
transformer en krach boursier. A chaque mauvaise nouvelle ou publication des
comptes d'une banque, le titre de la banque chute sur les marchés financiers.
Les banques ont alors des pertes colossales, et comme en 2007, peinent à trouver
des liquidités. Vue la situation de crise, comme en 2007, les banques ne se font
plus confiance et le marché interbancaire se grippe. Certains établissements de
crédit ont donc vu leur valeur boursière chuté en quelques semaines. Par
exemple, AIG (numéro 1 de l'Assurance) a perdu 45% de sa valeur en une semaine
et 79% sur un an. Lehman Brothers, la quatrième banque d'affaires de Wall
Street, a perdu 45% de sa valeur en une seule journée et 94% sur un an. Jamais
des chutes aussi vertigineuses n'avaient été constatées depuis la crise de 1929.
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Etape 6 : Tentative de sauvetage à coût de centaines de milliards
Face à ce qui s'apparente à une banqueroute généralisée, les banques centrales
et les Etats tentent de venir en aide à tous les établissements les plus
fragiles pour éviter des faillites qui auraient des conséquences très
importantes sur l'économie réelle. Trois sorties de crise sont exploitées :
1. Les banques centrales injectent de nouveau des liquidités pour que ces
banques puissent emprunter. Mais cette solution a des limites : la création
monétaire doit être fortement encadrée sinon, il y a un risque très élevé
d'inflation. Les prix pourraient s'envoler et accélérer ainsi la propagation de
la crise dans l'économie réelle.
2. Les banques centrales volent au secours de certaines banques en récupérant à
leur compte les titres dépréciés, comme les subprimes. C'est ce qu'a fait la
banque centrale américaine en mars pour sauver la banque d'investissement Bear
Stearns. La banque centrale américaine a récupéré 29 milliards d'actifs toxiques
(dépréciés et peu surs) et facilité la reprise de Bear Stearns par une autre
banque JP Morgan. Là encore, cette solution a des limites. La banque centrale
américaine ne peut effacer d'un seul coût des milliards de perte pour chaque
banque en difficulté.
3. Le gouvernement américain tente de sauver certains établissements pour éviter
un effondrement de tout le système bancaire. Par exemple, Freddie Mac et Fannie
Mae, deux géants américains du crédit hypothécaire, ont été placés sous la
tutelle du gouvernement. Le trésor américain va dépenser 200 milliards de
dollars pour sauver ces deux établissements. Seulement, le gouvernement
américain ne peut sauver toutes les banques en difficulté : d'abord parce que
cela coûte des milliards de dollars aux contribuables, et ensuite parce que cela
donnerait de très mauvais signes aux marchés financiers, qui auraient
l'impression de bénéficier d'une certaine impunité. A quoi bon assainir le
système si les Etats sont prêts à aider toute le monde à coût de plusieurs
centaines de milliards de dollars ? Voilà pourquoi le Trésor américain a refusé
de voler au secours de la banque Lehman Brothers, qui a donc fait faillite.
Et maintenant ? De nombreuses banques sont dans des situations difficiles. Le
gouvernement américain tente de convaincre le congrès de voter un plan de
sauvetage de 700 milliards de dollars. Les marchés financiers sont toujours
aussi volatiles, la confiance n'est pas revenue. Tout ceci va avoir des
conséquences sur l'économie réelle en France et en Europe : les banques vont
durcir les conditions de crédit pour les particuliers (les prêts immobiliers
sont plus difficiles à obtenir) et pour les entreprises (les investissements
vont se ralentir). Le capitalisme financier connaît donc l'une des plus graves
crises depuis le krach boursierde1929.
Cette crise frappe par sa rapidité et son enchaînement : la crise immobilière
américaine s'est transformée en crise financière et bancaire, elle-même
entraînant une crise économique mondiale avec des risques de récession aux
Etats-Unis, en Europe et partout ailleurs.
Karol Chami
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