miercuri, 22 septembrie 2010

Les dix montres de légende

Horlogerie Les dix montres de légende

A quelques jours de l'ouverture du Salon de l'horlogerie à Bâle, et du SIHH à Genève, «L'Hebdo» a demandé à trois experts de sélectionner les dix montres qui ont fait l'histoire de la branche durant le dernier siècle. Pierre Nebel a recueilli leur verdict.

S'il fallait n'en choisir que dix. Parmi les milliers de montres que le monde horloger a produites durant les cent dernières années, lesquelles ont véritablement eu une influence décisive sur l'histoire de l'horlogerie? Question épineuse à laquelle ont répondu trois spécialistes interrogés par L'Hebdo*. Leurs réponses? Assez étonnantes. Si chacun sort de son chapeau quelques modèles exotiques, les mêmes champions ressortent encore et toujours dans leurs listes: Oyster de Rolex, Reverso de Jaeger-LeCoultre, Swatch, etc... En compilant leurs sélections, L'Hebdo en a tiré une liste des dix montres de légende du XXe siècle (lire en page suivante).

Bien sûr, il est terriblement réducteur de vouloir se limiter à une petite dizaine de modèles pour résumer un siècle d'horlogerie. Si l'on retient la Swatch, pourquoi ignorer la Bêta 21, la première montre électronique? Et si l'on sélectionne la Museum Watch de Movado, pourquoi oublier la Dinosaure d'Omega, cadette de la Delirium de Concord, dont le concept inspirera pourtant celui de la Swatch? Les critiques auront parfois raison, et pourtant, le choix du jury a une pertinence incontestable. Chacune à sa manière, ces montres ont fondamentalement changé l'histoire technologique, esthétique et commerciale de l'horlogerie. Une histoire à laquelle les fabricants helvétiques aiment se référer pour justifier leur différence avec leurs concurrents étrangers.

Synonymes d'innovation Toutes les montres figurant sur la liste de L'Hebdo sont synonymes d'innovation. Lorsqu'en 1926, Rolex sort la première Oyster, c'est une petite révolution. A une époque où les garde-temps craignent l'eau comme la peste, pour la première fois, une montre de poignet est capable d'y plonger sans aucun dommage. En 1927, elle sera portée par Mercedes Glietze une jeune Londonienne qui traversera la Manche à la nage. La technologie sera reprise dans le modèle Oyster que l'on connaît aujourd'hui (1931) et dont la garantie «waterproof» s'imposera au reste de la branche.

De la même manière, la Swatch de 1982 est un exploit technique. Quand l'ingénieur Jacques Muller parvient à dessiner les plans d'une montre en plastique qui ne nécessite qu'une petite cinquantaine de pièces en lieu et place de la centaine qui étaient habituellement requises, il révolutionne tout un processus industriel.

Le progrès technique le plus génial ne sert pourtant à rien s'il ne se traduit pas en un succès commercial. Parmi les montres qu'a sélectionnées L'Hebdo, toutes ont inspiré des gammes entières des maisons horlogères. Depuis son introduction en 1919, la Tank de Cartier de 1919 a été déclinée en une quarantaine de modèles. Une famille qui ramènerait toujours encore presque un tiers du chiffre d'affaires de la marque phare du groupe Richemont. De la même manière, septante-cinq ans après son invention, la Reverso de Jaeger-LeCoultre représente près de 80% des montres produites par la manufacture du Sentier.

La montre mode Le succès commercial ne dépend pas seulement de la qualité des montres, mais également de la manière dont elles sont vendues. A ce titre, la Swatch mérite largement sa place parmi les montres les plus importantes du siècle. Quand Nicolas G. Hayek lance le modèle au début des années 80, il bouleverse les habitudes du monde horloger de l'époque. Avec la Swatch, la montre devient article de mode, support artistique (séries Kiki Picasso, Sam Francis, Keith Haring,...) dont le lancement donne parfois lieu à des évènements mondains. Le plus célèbre d'entre eux sera peut-être la célébration en 1992 de la cent-millionième Swatch avec la fameuse projection d'un son et lumière de Jean-Michel Jarre sur les montagnes de Zermatt. Inspiré par Swatch, les autres marques du Swatch Group moderniseront à leur tour leur marketing avec le succès que l'on sait.

Si une technique innovante et un marketing inventif sont importants, une véritable montre de légende se distingue aussi par un design qui perdure en dépit de l'évolution de la mode. L'Oyster de Rolex est par exemple toujours restée fidèle à elle-même, malgré les moqueries de certains qui lui reprochaient son look démodé. Une obstination qui aura payé puisque le design de «l'huître» de Rolex est aujourd'hui considéré comme l'équivalent horloger de la bouteille de Coca-Cola. Que dire également de la Museum Watch dessinée par Nathan George Horwitt et dont le design inspirera beaucoup de créateurs jusqu'à aujourd'hui.

Les montres qui entrent dans la liste de L'Hebdo sont enfin des modèles qui ont souvent pris leur place à la marge de la grande histoire. La Speedmaster d'Omega a acquis son surnom de «Moon Watch» après avoir été approuvée par la Nasa pour ses missions dans l'espace. Autre exploit, elle sera la première montre à donner l'heure sur la lune (le 21 juillet 1969 à 2 heures 56, GMT).

Il est bien sûr tentant d'essayer d'identifier les montres récentes qui prendront bientôt leur place au panthéon des montres de légende. L'exercice est pourtant difficile, car les heureux élus doivent d'abord faire preuve de leur résistance au temps. Une bonne candidate pourrait être la T-Touch de Tissot (2000) qui est revenue plusieurs fois dans les listes des experts mandatés par L'Hebdo. Un modèle qui inaugure une nouvelle ère où la montre devient un objet interactif, sensible au toucher de la main. Dans un autre registre, la Tradition de Breguet (2005) pourrait également avoir le potentiel pour entrer dans la légende. Avant de juger, trente ans de délai pourraient être nécessaire. Quand il s'agit d'entrer dans l'histoire, on peut prendre le temps d'attendre. |

*Les experts interrogés par L'Hebdo Estelle Fallet, conservatrice du Musée de l'horlogerie et de l'émaillerie, Genève;

Patrick Cremers, chronomètrie joaillerie A l'Emeraude, Lausanne;

Jean-Michel Piguet, conservateur-adjoint du Musée international de l'horlogerie de La Chaux-de-Fonds.

Oyster Le fondateur de Rolex Hans Wilsdorf lance ce modèle de l'Oyster en 1931. Pour la première fois, une montre bracelet est étanche.

économie

Swatch Après le lancement de la Swatch en 1982, Nicolas Hayek transformera la montre en objet de mode.

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«La Calatrava applique les principes du Bauhaus au design horloger.»

Estelle Fallet, conservatrice du Musée d'horlogerie et de l'émaillerie de Genève

Tank Cartier, 1919

En pleine Première Guerre mondiale, Louis Cartier est fasciné par les tanks alliés. C'est leur look trapu qui lui inspirera le design de cette montre carrée et entourée de deux brancards rappelant des chenilles. Elle sera vendue après la guerre et connaîtra très vite un succès qui se poursuivra jusqu'à aujourd'hui. Depuis la première version de 1919, la montre est déclinée en de très nombreuses variations, dont la Tank cintrée, la Tank allongée, la Tank chinoise ou la Tank française. Elle sera portée par Yves Montand (qui la reçoit de Simone Signoret), John F. Kennedy et Andy Warhol. Il paraît qu'aujourd'hui encore, Jacques Chirac, Catherine Deneuve et Alain Prost font partie de ses fans.

Oyster Rolex, 1931

Le modèle initial de l'Osyster voit le jour en 1926. Il fait sensation car pour la première fois, une montre bracelet est parfaitement étanche..., comme une huître! Pour Hans Wilsdorf, le fondateur de Rolex, la consécration vient en 1927, quand une Britannique traverse la Manche à la nage. Au bout de quinze heures d'efforts, la nageuse sort de l'eau avec une Oyster au bras, toujours en parfait état de marche. L'exploit sportif est aussi le début d'une grande aventure commerciale avec la sortie en 1931 de l'Oyster telle qu'on la connaît aujourd'hui, avec un mécanisme de remontage automatique à rotor Perpetual.

Reverso Jaeger-LeCoultre, 1931

A l'origine, la Reverso est inventée à l'attention des joueurs de Polo qui en avaient assez de rayer leurs montres en pratiquant leur sport favori. Les cadrans de l'époque n'étaient en effet pas encore en saphir et se brisaient facilement. De retour d'un voyage en Inde, le Suisse César de Trey résout leur problème avec l'invention qui allait révolutionner l'histoire de Jaeger-LeCoultre: une montre qui se retourne à 180 degrés. Malgré un premier succès auprès du public, la grande dépression et la Deuxième Guerre mondiale mettent la montre en grande difficulté. C'est finalement grâce à un marchand de montres italien, Giorgio Corvo que la production continuera.

Calatrava Patek Philippe, 1932

La Calatrava est toujours l'un des modèles de base de Patek Philippe. Selon Estelle Fallet du Musée de l'horlogerie à Genève, la montre est remarquable pour avoir «appliqué les principes du Bauhaus au design horloger». Cette école allemande postule que la forme d'un objet doit être dictée par sa fonction. La Calatrava renonce donc à toute décoration qui pourrait détourner l'attention du cadran circulaire. En plus de septante ans, la montre a beaucoup évolué, mais est toujours restée fidèle à la discrétion et à la pureté d'origine, comme par exemple le modèle 5196, sorti en 2005.

Portugaise IWC 1938

Le design de la montre aurait été inspiré par deux hommes d'affaires portugais qui souhaitaient une montre de grande taille. La Portugaise est très rapidement devenu un des modèles mythiques de l'horlogerie, grâce à l'élégance de son boîtier et à la très grande ouverture de son cadran qui la rend très lisible. Le modèle sera réintroduit en 1993 par IWC à Schaffhouse qui en tirera encore six versions supplémentaires, parfaitement en phase avec la mode des montres XXL. Selon Patrick Cremers de la chronométrie A l'Emeraude, à Lausanne, «la collection Portugaise est toujours encore la plus importante des collections pour IWC».

Navitimer Breitling, 1952

Breitling a toujours associé son nom aux pionniers de l'aviation. Elle ne fait pas exception quand elle sort en 1952 la Navitimer dont la règle à calcul circulaire aide les pilotes à planifier leur consommation de carburant, à calculer leur vitesse moyenne ou à convertir les miles en kilomètres. A l'époque, la montre sera adoptée comme montre officielle par l'Association des pilotes et des propriétaires d'avion. Même si les fonctions de la montre ne sont plus indispensables à l'heure de l'ordinateur et du satellite, la Navitimer reste encore un des modèles les plus vendus de Breitling.

Speedmaster Omega, 1957

La montre la plus célèbre d'Omega doit sa légende à l'aventure lunaire américaine. Elle est la seule qui résiste à tous les tests de la NASA et sera sélectionnée pour accompagner les missions Apollo et Skylab. Elle sera portée pour la première fois par l'astronaute américain d'origine tessinoise Walter Schirra qui l'avait achetée à titre personnel. La Speedmaster n'est pourtant pas seulement, la «Moon Watch», elle est aussi un très grand succès commercial. Depuis le premier modèle de 1957 avec de larges flèches en guise d'aiguilles jusqu'à aujourd'hui, la montre a connu d'innombrables variantes.

Museum Watch Movado, 1959

En 1959, le dessin de la montre est sélectionné par le Musée d'art moderne de New-York pour sa collection de design. L'auteur, Nathan George Horwitt, l'avait imaginé douze ans plus tôt en 1947: une montre toute en simplicité avec un cadran noir ponctué d'un seul point or, à midi. Son idée est de rappeler le soleil, le plus ancien des référents temporels. Movado fera l'acquisition de ce plan qui deviendra tout naturellement la Museum Watch, «un classique du design moderne, dont se sont inspirés beaucoup de créateurs», selon Jean-Michel Piguet, conservateur en chef adjoint du Musée de l'horlogerie à La Chaux-de-Fonds.

Royal Oak Audemars Piguet, 1972

Au début des années 70, la Royal Oak est la première montre sportive de haute horlogerie, en acier. La nouveauté d'Audemars Piguet fait sensation. «A l'époque, il n'y avait quasiment que des montres en or», explique Patrick Cremers. «Il y avait très peu de montres en acier et ça faisait "ringard" car on n'en maîtrisait pas la production comme aujourd'hui.» Par-dessus le marché, Audemars a le culot de la vendre encore plus cher que les montres en or de l'époque: 3000 francs. Pour la petite histoire le «Royal Oak» était le nom d'un navire de guerre de la marine britannique dont les bouches de canon ont inspiré la forme de la boîte.

Swatch 1982

La montre emblématique du Swatch Group a trois mérites. Le premier est technique. En réduisant drastiquement le nombre de pièces nécessaire à sa fabrication, les ingénieurs Jacques Muller et Elmar Mock réalise un exploit. Le deuxième est économique. Grâce à une réduction, également drastique, de ses coûts de fabrication, la montre est tout d'un coup à nouveau compétitive contre les concurrents asiatiques. Troisièmement enfin, la Swatch va introduire le concept de la montre prêt-à-porter que l'on achète au gré de la mode. Le succès commercial gigantesque de Swatch ne se dément pas. Au vingtième anniversaire de la marque, près de 300 millions d'exemplaires auraient été vendus, pour quelques 2500 modèles différents.

DR KAROL CHAMI

EXPERT SI COLECTIONAR DE CEASURI

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