Les méthodes d'éducation somatique

Présentation
Sous l'étiquette de « méthodes d'éducation somatique » se regroupent aujourd'hui plusieurs approches corporelles que l'on pourrait décrire comme suit : « qui visent à augmenter l'aisance, l'efficacité et le plaisir du corps et du mouvement par le développement de la conscience corporelle ». Cette fiche propose un tableau synthèse des principales approches qui composent cette discipline.
Pour le moment, la section Thérapies de PasseportSanté.net comprend des fiches sur les techniques suivantes :
L’anti-gymnastique
La gymnastique holistique
La Gymnastique sur table TCP
La Méthode de libération des cuirasses
La Méthode Feldenkrais
La Technique Alexander
La Technique Nadeau
D'autres approches font également partie de l’éducation somatique, dont le Movement Ritual, la méthode Emballons-nous, le BodyMind Centering, l’eutonie Gerda Alexander, la méthode Laban-Bartenieff, la Kinetic Awareness et l’Ideokinesis. Deux autres techniques, bien qu'elles ne soient pas toujours incluses dans la famille de l'éducation somatique, ont des objectifs si apparentés que nous les avons ajoutées à notre tableau : la méthode Pilates et le Trager. Par contre, ne doivent pas y être associées les techniques qui visent d'abord à soigner ou à guérir, comme l'ostéopathie ou la méthode Mézières, ni celles qui ont avant tout des visées psychothérapeutiques, comme l’analyse bioénergétique.
Les éléments communs

Les caractéristiques fondamentales de toutes ces approches sont résumées dans les deux termes de leur étiquette : éducation et somatique.
Éducation. Quand il n'est pas sollicité dans toutes ses potentialités, le corps perd ses facultés de fonctionner adéquatement - il désapprend littéralement, compense et se dérègle. Heureusement, il peut toujours recommencer à apprendre, car ses tissus (muscles, tendons, ligaments, nerfs) demeurent malléables à tout âge, ou presque. L'éducation exige une participation à la fois « écoutante » et active de l'élève.
Somatique. Dans le champ subtil des approches corporelles, on dit que le soma est « ce qui est perçu de l'intérieur, à la première personne »; une approche d'éducation somatique exige donc un point de vue intime sur l'intervention : la personne n'essaie pas de « corriger » ou de « faire corriger » son corps (comme le ferait un physiothérapeute, par exemple), mais de le comprendre et de favoriser son évolution.
Les similarités
Toutes les approches d'éducation somatique partagent plusieurs caractéristiques :
L'intervenant n'est pas un thérapeute, mais un éducateur. Par conséquent, l'aspect thérapeutique ne découle pas de son intervention, mais du processus dans lequel s'engage le pratiquant.
Les approches sont « expérientielles », en ce sens que l'apprentissage qui en découle résulte davantage d'une expérience subjective que de connaissances apprises.
Elles développent une plus grande attention aux signaux corporels et une meilleure perception du corps dans l'espace.
Elles contribuent à une posture plus juste (un élément incontournable du bien-être) et à de meilleurs réflexes respiratoires.
Elles favorisent une meilleure exploitation du potentiel corporel : plus d'efficacité, d'expressivité et de plaisir dans le mouvement.
Elles ne comprennent aucune dimension de performance.
Elles aident à prévenir les blessures, les malaises et les douleurs du système musculosquelettique.
Ces caractéristiques pourraient s'appliquer à un large éventail de pratiques corporelles, du tai-chi au yoga en passant par le tango, mais la particularité, dans ce cas-ci, est que l’objectif est avant tout la rééducation du corps.
Les différences
Bien qu'un certain métissage se soit produit ces dernières années, et que l'on voit maintenant apparaître des techniques éclectiques empruntant à différents systèmes, chaque méthode « officielle » découle d'une façon particulière de comprendre la dynamique psychocorporelle. Par conséquent, différentes personnes ayant des objectifs similaires pourront être attirées par une technique plutôt qu'une autre, question de style, de sensibilité, d’expériences préalables...
Tableau comparatif des approches
Comparer et déterminer les approches d'éducation somatique qui correspondent le plus à ses besoins, puis consulter les fiches pour obtenir plus de précisions.
Individuel    Intimité    Psycho-corporel    Équi-pement    Gros-sesse
Anti-gymnastique         X    X         X
Gymnastique holistique    X
Gymnastique
de table (TCP)                   X
Méthode de libération des cuirasses    X    X    X
Méthode Feldenkrais    X    X
Pilates    X              X
Technique Alexander    X    X
Technique Nadeau    X
Trager    X    X
Voici les principales caractéristiques qui différencient les approches.
Individuel. Ces approches peuvent se pratiquer seul à la suite d’une formation de base effectuée en groupe ou en privé. Certaines techniques exigent une observation très fine de la part de l'éducateur et l’apprentissage ne peut, sauf exception, se dérouler qu'en privé; dans ces cas, le coût des rencontres est forcément plus élevé, mais l'apprentissage est plus intense.
Bien qu'il soit toujours possible d'obtenir des cours privés avec un éducateur de n'importe quelle discipline, les autres techniques se déroulent en groupe et les élèves répondent à des consignes verbales ou à des démonstrations de l'éducateur; la taille des groupes varie.
Intimité. Pour certaines techniques, les séances se déroulent dans un contexte plus intime, soit à cause de la proximité corporelle entre l'éducateur et l'élève, soit parce qu'on encourage l'expression verbale des sensations et des émotions.
Cela dit, toutes les techniques exigent que l'éducateur utilise occasionnellement le toucher pour donner la sensation d'un mouvement ou d'une posture.
Psychocorporel. Certaines techniques donnent une place importante aux dimensions psychologiques et émotives du travail corporel. Même si les autres techniques ne font pas de référence explicite à ces dimensions, on sait que toute démarche d'éducation somatique entraîne, forcément, un mieux-être psychologique.
Équipement. Pour permettre que s'accomplisse un travail précis sur la musculature profonde, quelques techniques ont recours à de l'équipement spécialisé pour une partie de leur entraînement. Les autres techniques se font au sol, mais peuvent utiliser aussi des accessoires (balles, bâtons, etc.).
Grossesse. Dans certains cas, la technique comporte des exercices conçus spécifiquement pour les femmes enceintes. Toutefois, toutes les approches d'éducation somatique sont « douces » et, sauf exception, elles ne présentent pas de contre-indication durant la grossesse.
Un secteur en évolution
L'éducation somatique n'est pas un champ de pratique défini de façon restrictive : elle émerge d'un univers où se sont développées parallèlement massothérapie, kinésiologie, éducation physique et rééducation motrice. Ses approches – certaines datant de près de 100 ans –ont été élaborées par des individus qui, n'ayant pas trouvé de technique adéquate pour régler un problème physique, ont décidé d'expérimenter sur eux-mêmes et en sont venus à mettre au point quelque chose d'innovateur. Ces techniques ont franchi les étapes du bouche-à-oreille, des premiers adeptes/disciples, d'une transmission structurée, d’une popularité grandissante et, enfin, d'une reconnaissance officielle.
Depuis un bon moment, certaines se sont créées des niches dans les milieux où une grande finesse corporelle s'avère indispensable, comme en théâtre, en chant et en danse. Le milieu de la danse, au Québec comme en France, est probablement celui où l'éducation somatique fait le plus objet de recherche.
Formation
Le département de danse de l'Université du Québec à Montréal1 offre depuis l'automne 2002 un certificat de deuxième cycle en éducation somatique. L’objectif est double : approfondir les compétences professionnelles des étudiants et explorer les champs d'application de la discipline. En France, où le terme somatique a toujours été rattaché aux pratiques thérapeutiques, on utilise plutôt l'expression « analyse du mouvement » comme descripteur des différentes disciplines de l'éducation somatique; quant aux Français qui se destinent à l'enseignement de la danse, ils doivent être formés à ce champ d'expérience et posséder un diplôme universitaire2-3.
Applications thérapeutiques
Santé. Prévention des problèmes musculosquelettiques (maux de dos, tendinites, etc.) et soutien au rétablissement à la suite de problèmes de ce type, rééducation psychomotrice, contrôle de la douleur, prise en charge du bien-être corporel chez les enfants, les adolescents, les adultes et les personnes âgées (ce qui justifierait sa place dans le système éducatif), et maintien de la fonctionnalité dans le vieillissement.
Travail. Développer des postures de travail plus sécuritaires, prévenir les lésions attribuables au travail répétitif (LATR).
Vie quotidienne. Relaxation, gestion du stress, mieux-être, développement personnel.
Sport. Meilleur équilibre dans le développement corporel.
Arts et création. Soutien au travail corporel exigé des musiciens, chanteurs, danseurs, comédiens, peintres, sculpteurs, etc.

Dr med Karol Chami